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Carnets de voyage

Le modèle suédois de développement urbain

Les rues commerciales faites pour piétons et cyclistes.
Les rues commerciales faites pour piétons et cyclistes.

5 février 2009

Julie Fouquet, étudiante en génie civil

L'automne dernier, je suis allée étudier en Suède, plus particulièrement à Lund, à la frontière du Danemark. Cette session d'études en génie civil, qui comprenait un volet urbanisme et analyse du développement du territoire, m'a permis d'observer le mode de vie et surtout de vivre à la manière scandinave, si différente de la nôtre pour une région avec un climat nordique similaire.

L'observation et l'étude du modèle de développement urbain suédois s'est avéré très intéressant et pertinent à comprendre par rapport à notre modèle nord-américain basé sur la voiture et où nous vivons de plus en plus dans les périphéries des grands centres pour rechercher une certaine qualité de vie.

Je dirais que le développement urbain suédois est principalement fondé sur la densité. En Suède, c'est la grande ville ou la campagne, pas d'entre-deux. Aujourd'hui, cela signifie que les Suédois sont contre l'étalement urbain. Les municipalités, qui sont regroupées en communes, chapeautent toutes les activités de développement. Elles délimitent les futures zones à développer, elles achètent les terrains, elles planifient les constructions et elles supervisent les développeurs à qui elles confieront la construction. Ce processus fait en sorte que toutes les zones sont développées dans une vision d'ensemble déterminée par la communauté avec des actions consensuelles.

À l'échelle humaine

Inévitablement, cette recherche de densité relègue les grandes surfaces, telle IKEA, dans les parcs dits industriels, situés en périphérie des grands centres. Dans les villes, les municipalités cherchent plutôt à optimiser la densité avec des aménagements à l'échelle humaine. En d'autres mots, les villes sont développées pour que les magasins ou les restaurants aient pignon sur rue et que les piétons et les cyclistes déambulant le dimanche après-midi soient attirés par les vitrines. Les résidences se situent donc dans les étages supérieurs des bâtiments, laissant le niveau de la rue aux commerces.

Il est certain que cette proximité développe un esprit de quartier et un sentiment d'appartenance de la part des résidents, qui est renforcé par la grande présence de places publiques et de parcs. De plus, les bâtiments environnants dédiés à l'habitation comptent souvent des cours intérieures, permettant aux domiciliés de partager un espace commun et de créer des liens. Ce qui en résulte, ce sont des villes à l'échelle humaine qui favorisent les échanges et les déplacements à pied, à vélo ou en transport en commun.

De notre côté de l'océan, nous avons plutôt créé un cercle vicieux où nous avons favorisé l'étalement urbain. Les gens ont besoin d'une voiture pour se déplacer et ainsi ils ont besoin de plus d'espace, ce qui justifie l'étalement urbain. Cela porte à réfléchir…

Histoire et innovation

Stationnement à vélos sur le quai de la gare centrale de Malmö.
Stationnement à vélos sur le quai de la gare centrale de Malmö.

Les Suédois ont aussi une très grande force résidant dans leur habileté à intégrer leurs nouvelles constructions dans l'environnement naturel et bâti. Ils célèbrent leur histoire en protégeant, en restaurant et en habitant les bâtiments témoignant de leur passé. D'un autre côté, ils n'ont pas peur d'innover architecturalement et surtout, de mélanger les genres. En effet, plusieurs bâtiments dits «historiques» ont été améliorés ou agrandis avec des constructions très modernes et contemporaines témoignant du fameux design scandinave et cela, avec goût.

Notons que dans tous les grands projets d'envergure qui laisseront leur trace dans la communauté, plusieurs architectes, designers et constructeurs sont impliqués pour créer une diversité dans le produit fini et pour unir les forces de chacun afin d'obtenir un résultat optimal et unique. Le processus est plus laborieux, mais les résultats sont convaincants.

De plus, ces constructions sont toujours faites dans un souci d'harmonisation avec l'environnement. Beaucoup de matériaux naturels sont intégrés, comme le bois et la pierre, et le milieu dans lequel est implantée la construction est conservé ou amélioré, c'est-à-dire que les arbres ne sont pas coupés inutilement pour faciliter le chantier et qu'ensuite, des aménagements extérieurs sont faits pour régénérer des espaces communs où se retrouve de la verdure. Cela permet donc de créer des endroits viables, car ils respectent l'environnement naturel et bâti, tout en permettant la densité et ses avantages inhérents. Pas besoin d'aller en banlieue pour voir les arbres!

Développement urbain durable

Turning Torso de Calatrava.
Turning Torso de Calatrava.

Actuellement, le nouveau courant de développement urbain en Suède est la revitalisation des anciens secteurs industriels situés en bordure de l'eau. En effet, vu son immense périmètre sur la mer Baltique, les activités économiques de la Suède ont longtemps été concentrées dans les ports, autour desquels la plupart des grandes villes sont construites. Par contre, aujourd'hui la situation a changé et les bords de mer sont plutôt prisés pour l'habitation.

Un excellent exemple est le port ouest de Malmö, une ville près de Lund où se trouve aussi le fameux gratte-ciel Turning Torso de Calatrava inspiré d'un torse humain. Cette revitalisation constitue présentement un point de référence international en termes de développement urbain durable. Elle comprend un plan de développement urbain organique et des bâtiments écoénergétiques. Elle favorise l'intégration de la biodiversité et d'espaces communs bien pensés, et elle est totalement autonome énergétiquement, c'est-à-dire qu'elle utilise des énergies locales renouvelables comme le vent et l'énergie solaire. De plus, une piste cyclable fait le lien direct entre ce développement, le centre-ville de Malmö et la gare.

N'oublions pas que les vélos sont permis dans les trains, ce qui rend possible de se rendre en vélo à la gare de Malmö à partir du bord de la mer, de prendre le train et ensuite de reprendre son vélo au centre-ville de Copenhague au Danemark, et cela en moins de 30 minutes. Dans ces conditions, il est facile d'oublier l'automobile!

Ces observations prouvent qu'il est possible de planifier et de construire des villes non pas à l'échelle de la voiture, mais plutôt à l'échelle de l'homme et de la nature. Incontestablement, nous sommes obligés de conclure qu'en Amérique du Nord, nous avons pris une voie différente de celle présentée ci-dessus. Toutefois, aujourd'hui, nous sommes en train de vivre et de débattre des conséquences de nos choix. Peut-être serait-il inspirant d'emprunter des idées à nos voisins les Européens…